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UTMB (Chamonix Mont-Blanc) [168 km / 9800 m D+]
by notrail
Août 17, 2021

Après l’échec de 2017, comme tout bon trailer qui se respecte,  il me fallait retenter l’aventure utmbienne. Et cette année, j’avais les fameux points qualificatifs dans la poche et la certitude d’être repêché, et donc c’est sans hésitation que nous nous sommes inscrits avec Fred sur la distance reine.

Voilà, il n’y avait plus qu’à se préparer et attendre fin août …  quelques longs trails et quelques sorties spécifiques parachèveront mon entraînement. Et c’est avec une certaine placidité que je me rends à Chamonix.

La météo semble idéale, rien à voir avec les trois dernières éditions, et c’est le parcours orignal qui nos attendra, ouf ti, me voilà rassuré !

Après avoir retiré nos dossards, le vendredi matin et essayé de s’assoupir un peu, on se rend sur la zone du départ, sur la place de Chamonix. Les trailers y sont déjà nombreux, ainsi qu’un nombre impressionnant de spectateurs, le long des rues. L’ambiance y est électrique et le speaker fait monter la tension jusqu’au décompte final : 10, 9, 8 …., 3,2, 1 Go Go Go, c’est parti ! Je ne réalise pas encore très bien ce qui m’arrive et je profite du bain de foule qui acclame et encourage les 2500 ultratrailers. C’est l’euphorie, c’est magique, on se  sent pousser des ailes. D’ailleurs ça s’emballe autour de moi et je me fais dépasser régulièrement … de mon côté j’ai activé mon régulateur, je sais l’aventure longue.

Quel bonheur de se retrouver dans les Alpes et en particulier la région du Mont Blanc. Malheureusement, ici les conséquences des activités humaines sur la nature sont importantes. En effet, les Alpes, et la vallée de Chamonix, ont gagné plus de 2 °C depuis le milieu du XIXe siècle, soit un réchauffement climatique beaucoup plus rapide que la moyenne mondiale. La mer de glace est de moins en moins blanche.

Pour cette édition, je n’avais qu’un mot d’ordre ; le plaisir,

Et c’est sans montre, sans profil, et sans gel ou poudre magique que je compte boucler la boucle à la sensation

Déjà plus de 5 km et toujours un public soutenu !!! Je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer une pareille ambiance, c’est la folie … Nous arrivons rapidement aux Houches avec un premier ravitaillement en eau et toujours ce public en liesse.  Et nous attaquons la première difficulté du jour : la montée vers le « Delevret » : sans trop de difficultés, on la gravit sur la route large et rôtie au pourcentage honorable, je croiserai sur cette même route de sympathiques accompagnants belges de la région d’Orval que nous avions rencontrés à Bourg Saint Maurice, lors du suivi de la TDS. Un petit encouragement bien personnel et c’est reparti, voilà on atteint les 1739 mètres d’altitude. 

C’est le moment de rejoindre Saint-Germain, sans trop de difficultés nous redescendons les 7 km pour atteindre le village, avec un premier gros ravitaillement. Je croiserai la maman de Romain et son compagnon. Après un tout petit break, les choses sérieuses commencent, ce n’est pas moins de 24 km d’ascension qui nous attendent pour atteindre la Croix du Bonhomme …

La première étape est le village des Contamines avec de petits faux plats montants, et ensuite la Balme où cela commence à grimper sec

Au contrôle, on me proposera d’ajouter une couche supplémentaire : à ce qu’il y parait, il fait très fois au sommet. Je m’exécuterai donc, avant d’entamer cette longue ascension vers la Croix du Bonhomme.

Plus de 5 km où le sentier fait place à un amas de roches et c’est de plus en plus rêche, on traverse même un névé, cela devient dur surtout le dernier kilomètre, où la roche devient glissante et j’en ferai les frais …

Après le pointage, nous redescendons sur Chapieux, avec une partie assez technique au début, pour retrouver une portion plus aisée, ce qui ne m’empêchera pas de chuter, heureusement légèrement, juste quelques écorchures au genou … voilà Chapieux atteint, avec un contrôle du sac et puis un ravitaillement bien mérité. Il y a de l’eau pétillante, le bonheur …. C’est à ça que je vais carburer principalement en lieu et place du cola qui a tendance à me perforer l’estomac …..

Après avoir fait soigner mon genou, je repars à l’assaut du col de la Seigne. La première partie se fait sur macadam, il est minuit passé, j’en profiterai pour lire quelques SMS d’encouragements sous la blancheur de la lune et des étoiles. Je suis boosté et j’entame l’ascension du col, en lacet au début, pour terminer en ligne droite, c’est très dur pour certains … moi je suis en cadence et je sais l’Italie proche … ça y est, je franchis la frontière ….

Une petite descente technique rocheuse à souhait comme je les aime me permets de rejoindre rapidement le Lac Combal.

La nuit est toujours pesante, et une anicroche sur le passage, l’arrête du Mont Favre, petite mais costaude …. Je progresse doucement, mais surement ! Un point de contrôle au sommet, sous une cabine de téléphérique, c’est féérique.

On peut repartir vers le col Checrouilt, principalement avec des descentes caillouteuses, avant la grande désescalade vers  Courmayeur à travers un sentier extrêmement poussiéreux et glissant, entravé de marches irrégulières et sinueuses. Il fait toujours nuit, et ma lampe frontale fait des siennes, j’aborderai cette portion avec précaution. 

Je vois enfin la ville illuminée de Courmayeur, et je rejoins le complexe sportif, où un gros ravitaillement nous attend

Je m’y repose un instant avec une micro sieste de 15 minutes salvatrice à même un banc, et puis  un plat de pâtes, puis faut se relever et repartir … la machinerie est refroidie, je quitte le complexe laborieusement, ça grince, ça crie, ça hurle, mais je prends mon mal en patience et retrouve ma température de croisière, Go Go Go à l’assaut du refuge Bertone.

Le jour se lève, et m’allège. On peut commencer à contempler le paysage et la vallée de l’Aoste qui s’ouvre à nous. Je commence à grimper : les 800 mètres d’ascension sont vraiment éprouvants, quelques signes de fatigue me contraignent à procéder à quelques pauses régulières, afin de retrouver mon souffle. Deux heures plus loin, enfin le refuge, juste de la souplette en guise de récompense … 

Voilà je suis presqu’à mi-course. Bilan provisoire : toujours un bon mental, toujours de bonnes jambes mais quelques signes de fatigue, et direction un prochain refuge celui de Bonati … sur le papier cela est plat, sur le terrain, c’est bien autre chose … ça monte et ça descend … mais le paysage environnant est tout simplement époustouflant, et nous fait oublier la douleur. Le massif du Mont- Blanc se dresse juste à côté de moi avec ses aiguilles et ses glaciers.  

Cela fait un petit temps que j’accompagne un Français, c’est sa première expérience et nous partageons de bon moment, le temps passe plus vite. Le refuge Bonati est atteint sous les sourires chaleureux des bénévoles, direction Arnuva.

Sans trop d’encombres, je descends vers le point de ravitaillement, où je m’octroierai une petite pause avant d’essayer d’en découdre avec le monstre, le col Ferret.

La première partie est horrible, la seconde aussi et la fin tout autant, et ce sous le soleil pesant, quelle joie quand on me bippe au sommet. Allez une de faite, ça diminue. Et je rentre en territoire helvète, ciao italia, tu sei la più bella.

Next step, le hameau de La Fouly dans le val Ferret, où je sais ma petite famille présente

La descente est relativement simple pour commencer, mais à l’approche du village, les choses se compliquent avec quelques montagnes russes et des pentes grinçantes. Mais j’atteins celui-ci plus frais qu’à l’édition 2011, ce qui est de bon augure. Je rentre dans le village, et un speaker met de l’ambiance et puis annonce que Xavier Thévenard vient de franchir la ligne d’arrivée après 20h35 …. Et moi tout penaud, il me reste encore 57 km ….. je vais vite rejoindre ma petite famille, toute fière de me voir présent dans un état respectable … et puis un magasin devant moi, avec une publicité d’une marque de crème glacée, l’envie me prend … voilà mon ravitaillement hmmmm c’est trop bon. Allez faut pas que je m’éternise ici, RDV à Champex, et c’est avec une certaine appréhension, que je redémarre, c’est bien là que j’avais trépassé il y a deux ans …

C’est toujours aussi difficile de repartir, les cuisses vous rappelant à l’ordre, mais ici c’est moi qui fais la loi et je vous ordonne de courir, non mais ! …. 

Ce n’est pas trop compliqué, et nous traversons quelques petits villages typiquement suisses, avant de crapahuter dans le sentier aux champignons permettant de rejoindre les hauteurs de Champex pour le plus gros ravitaillement du parcours. Statistiquement, c’est à ce point de contrôle qu’il y a le plus d’abandon, mais moi je n’y pense même pas, je le terminerai cet utmb, même s’il faut ramper 

Ici l’ambiance y est paisible, les accompagnants peuvent rentrer dans la zone de ravitaillement, et c’est une ambiance chaleureuse qui s’y dégage … je profiterai de ma petite famille, d’un petit massage et ensuite d’un bon plat de pâtes avant de repartir vers l’enfer : « Bovine », où j’ai encore en souvenir mon CCC en 2010, avec cette montée chaotique …

Toujours aussi dur de repartir, après s’être refroidi … Ici, le combat durera 2 km avant que je ne puisse commencer à trottiner … on se dirige ainsi au pied de Bovine, mais le parcours est bien changeant, une première côte abordable, avant d’amorcer la douloureuse. Oups ! Que c’est impressionnant ! Le pourcentage est effrayant et il faut bien se pencher en avant sous peine de retourner à la case départ, quel enfer cette montée … et mètres après mètres ou plutôt centimètres par centimètres j’arrive enfin au point de contrôle, et ce tout heureux !!  Impressionnant, je crois que c’est la côte la plus longue et la plus sèche que j’ai faite dans ma vie et chapeau aux bénévoles qui ont du certainement amener le matériel à pied …. Malheureusement pour moi, ça continue de monter encore et encore … on traverse des pâturages, sous le regard pantois des vaches … 

Enfin, on peut procéder à la descente vers Trient, un peu technique au début, et puis abordable. De temps en temps je m’octroie une petite pause, assis sur un rocher pour contempler le paysage avant la tombée de la nuit et puis relire les SMS qui boostent mon capital moral.

On arrive ainsi à Trient, dans le Valais Suisse

Je me ravitaillerai chaudement avant d’entamer ma seconde nuit. 

Je m’équipe en circonstance et je pars affronter en guerrier Catogne, avec une montée régulière et longue et régulière et longue … un peu monotone quoi, et la pénombre a laissé place à l’obscurité. Et je grimpe sans broncher en mode « cruise control » jusqu’à atteindre le point de contrôle … 

Allez une longue descente vers Vallorcine nous est offerte … la première portion est encore ludique, mais la seconde est beaucoup plus exigeante, entre dévers et souches, il faut jongler avec tous ces pièges, quelques virages plus loin, j’entends un peu d’ambiance, et puis un nombreux public malgré l’approche de minuit, il y a de l’ambiance ici … C’est le dernier gros ravitaillement, j’en profite donc avant de donner RDV à ma petite famille à l’arrivée … il reste encore 18 km …. Certes, qu’est ce que 18 km par rapport à 168 ? Mais bon : le col Montet, la Tête aux Vents et la Flégère sont encore à se farcir, … mais il était écrit que ce n’était pas aujourd’hui que j’allais faiblir !

Allez hop hop, au gallop, lecol du Montet une petite formalité, et puis la Tête aux Vents … je me dis rien à voir avec l’édition apocalyptique de l’édition 2010 du CCC où j’avais eu droit à une tempête, de la pluie glaciale me mitraillant, un vent violent et polaire, des torrents d’eau à perdre la raison et son orientation … ici l’ascension y est paisible, je sens l’arrivée proche, je reçois encore des sms me soulevant littéralement, je vole, je plane. Après moins de 8 km de varappe, j’atteins le point de contrôle. 

Et direction « la Flérège » avec 4 km de  parcours chaotique et très technique sur les sommets montagneux, je profite un max, et j’aperçois au loin la ville de Chamonix éclairée, ça bouillonnante intérieurement, faut me contenir … 

Voilà je passe le dernier point de contrôle à la Flégère, une dernière descente de 7 km à travers les pistes de ski et les sous-bois jonchés de racines et cailloux, souvent je m’emberlificote les pieds, mais je m’en fous, j’accélère l’allure, je n’ai plus mal, je revis …

J’entre dans Chamonix, il est 4 heures du matin, la ville est encore endormie, quelques signaleurs, quelques badauds, quelques accompagnants, la ville presque vide amplifie les quelques applaudissements. Il reste un dernier km, je longe l’Arve, traverse le pont, entre dans la rue commerçante, ma famille m’y attend, c’est l’heure des congratulations, des remerciements. Je mets un point d’honneur à arborer fièrement les couleurs de l’OTC, je fais les derniers mètres en compagnie de Ludo, ça y est je franchis cette ligne d’arrivée, tant attendue, je l’ai enfin mon sésame, me voilà auréolé du polar rouge aux initiales magistrales.

Waouh quelle aventure, quel bonheur, quel état de grâce, quel introspection ! Me voilà de nouveau plein les yeux, plein les jambes et plein le cœur …

Je tiens bien sûr, à remercier de nouveau ma famille et mes amis qui m’ont soutenu tout au long de cette aventure

Un marathon change un homme, l’ultra-trail change une âme.

Et une mention toute spéciale, pour Nathalie qui a bouclé héroïquement la TDS et ces 119 km … en jonglant avec les barrières horaires, et ayant eu droit à son heure de gloire sur l’arrivée en terminant dernier finisher …. Il y a encore à peine 3 ans, elle avait du mal à parcourir un petit kilomètre, comme quoi le bonheur est à la portée de tous …  Bravo !

Oh hello! I am notrail

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